Impact Factor Journals 2023-24


La protection des personnes déplacées au Mali.

La protection des personnes déplacées au Mali.

Protection des personnes déplacées au Mali.

Idrissa DEMBÉLÉ

Enseignant-chercheur

Université privée de Gestion et de Développement Durable (UniGDD), Mali

Idrissa DEMBÉLÉ

Professeur d'université

Université privée de gestion et de développement durable (UniGDD), Mali

 

 

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En 2012, le Mali est tombé dans une crise politique et sécuritaire qui a eu de nombreux effets sur la vie des populations, notamment pour celles d'entre elles vivantes dans les zones de tensions. Cette crise a poussé des milliers de personnes sur les routes de l'exil dans le mais de trouver un havre de paix tant à l'intérieur mais aussi à l'extérieur du pays. La présente étude a pour objet d'analyser les règles relatives à la protection des personnes déplacées au Mali, afin d'en saisir l'efficacité. Les résultats obtenus convergent à dire que les mécanismes actuels ne permettent pas une protection efficace des personnes déplacées. Face à ce problème nous propose une approche globale et inclusive qui associe toutes les personnes concernées par le problème c'est-à-dire les États, les organisations internationales, les ONG mais aussi et surtout les personnes déplacées car c'est de leur protection dont il est question. Cette approche devrait s'attaquer aux causes profondes qui font que les individus sont obligés de se déplacer. En cela, les problèmes d'ordre social, politique, économique et structurel que connaissent la plupart des pays producteurs de personnes déplacées.

Mots clés: Protection, Personnes déplacées, conflits armés, Camps de déplacées, convention de Kampala. 

Abstrait

En 2012, le Mali est tombé dans une crise politique et sécuritaire qui a eu de nombreuses répercussions sur la vie des gens, en particulier ceux d'entre eux vivant dans des zones de tension. La crise a poussé des milliers de personnes à l'exil dans le but de trouver un havre de paix à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Le but de cette étude est d'analyser les règles relatives à la protection des personnes déplacées au Mali, afin de saisir leur efficacité. Les résultats obtenus convergent pour dire que les mécanismes actuels ne permettent pas une protection efficace des personnes déplacées. Face à ce problème, nous proposons une approche globale et inclusive qui rassemble tous les acteurs concernés par le phénomène, à savoir les Etats, les organisations internationales, les ONG, mais aussi et surtout les personnes déplacées puisqu'il s'agit de leur protection. Cette approche devrait s'attaquer aux causes profondes des raisons pour lesquelles les gens sont forcés de se déplacer. En cela, les problèmes sociaux, politiques, économiques et structurels rencontrés par la plupart des pays producteurs de PDI.

Mots clés: protection, personnes déplacées, conflits armés, camps de déplacés internes, convention de Kampala.

 

  1. introduction

Longtemps considéré comme un pays relativement stable, le Mali est confronté depuis 2012 à l'une des crises les plus redoutables de son histoire. Cette crise, s'inscrit dans la droite lignée des mouvements de rébellions des populations touarègues du septentrion malien, depuis l'indépendance. La crise de 2012 a eu des améliorations profondes sur le territoire national et sur les populations vivantes dans les zones de tension. C'est ainsi que des milliers de personnes ont été contraints de se déplacer. Les estimations les plus crédibles font état de près d'un demi millions de personnes déplacées aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays [1] . En juin 2013, le nombre de personnes déplacées à l'intérieur du Mali atteignait 353 455, son niveau record [2]. Au 30 juillet 2016, si les organisations en charge du suivi de l'évolution de ces déplacements internes estimaient à 474 231 le nombre d'individus retournés, elles enregistraient encore, à cette même date, 33042 personnes déplacées à l'intérieur du Mali , soit 6 992 ménages [3] . Ces personnes vivent dans les conditions les plus difficiles, dans nombre de cas, ces individus ont dû partir derrière eux presque tout ce qu'ils possèdent. Ils sont obligés de parcourir de longues distances, souvent à pied, pour trouver un sanctuaire à l’apparition des combats. Des familles sont dispersées, des enfants sont séparés de leurs parents dans le chaos de la fuite, des personnes âgées trop faibles pour entreprendre un voyage aussi pénible, sont abandonnées à leur sort…

Plusieurs règles concourent à la protection des personnes déplacées. Ces règles se retrouvent aussi bien sur le plan international, régional et local. Toutefois, il est de la responsabilité première des États d'assurer la protection des personnes vivantes à l'intérieur de ses frontières, surtout pour celles d'entre elles qui sont en situation de vulnérabilité. Cependant, le fait que l'État n'assure pas une protection aux personnes déplacées internes n'est pas témoin d'une absence de protection pour celles-ci. La Communauté internationale, les organismes internationaux, les agences humanitaires, les ONG… doivent aussi apporter leur concours à la protection des déplacées à l'intérieur de leur propre pays. 

Cette étude a pour objectif d'analyser les règles relatives à la protection des personnes déplacées au Mali afin de saisir leur efficacité. Notre objet d’étude étant les personnes déplacées il convient de définir avant tout cette notion qui doit être distinguée de certaines notions voisines avec l’entretien de certaines similitudes. Ainsi dit que faut-il entender par personnes déplacées?

La réponse à cette question n'est pas autant aisée. En effet, de nombreuses dénominations sont utilisées pour qualifier les personnes déplacées qui n'ont pas franchi les frontières internationales d'un État. Entre autres des auteurs utilisent l'expression de Personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays [4] , et de Personnes déplacées internes (PDIPP ou PDI). L'expression anglaise Les personnes déplacées internes (PDI) correspondent à la traduction française Personnes déplacées internes (PDI), tandis que certains n'hésitent pas à qualifier les personnes déplacées internes comme les réfugiés de l'intérieur, les réfugiés internes [5] , d «autres préfèrent l'expréssion de « réfugiés intra-muros » [6] en opposition aux« déplacés extra muros ».Ainsi, les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays doivent être distinguées des «réfugiés». Le terme «réfugié» est réservé, en droit international, à ceux qui ont franchi une frontière internationale et qui se sont vus reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention relative au statut de réfugié [7] . Au début des années quatre-vingt-dix, le Secrétaire général de l’ONU de l’époque a effectué des consultations auprès des gouvernements, ONG et agences onusiennes, pour identifier les personnes déplacées sur la base de la définition suivante: «Personnes qui ont été forcées de fuir leurs foyers soudainement, (…) et qui se trouvent sur le territoire de leur propre pays. » . [8]Cette définition rejoint celle des Principes Directeurs. [9] Certains chercheurs accusent l'inadéquation de la protection internationale des personnes ayant fui une situation de violence [10] . Il existe un vide juridique dans la protection des déplacées internes. C'est ce que pense Cécile DUBERNET [11] pour qui, le concept de personnes déplacées a été forgé dans un contexte où la pratique et l'urgence dominait. C'est ainsi que de 1991 à 1996, l'implication des nations unies se fait de façon improvisée au cas par cas. Une telle approche a été par ailleurs dénoncée par le Comité permanent inter organisation à la suite d'une réunion les 22 et 23 juin 2005, qui reconnait«L'absence d'obligation de rendre compte sur le plan opérationnel et l'absence de leadership» et qu'une approche «au cas par cas» par les organismes opérationnels à mener à des «lacunes considérables à des rivalités entre organismes et à des engagements à court terme, ainsi qu'à des lacunes dans l'établissement des normes dans le suivi et les comptes rendus des activités. » [12] . Pour d'autres personnes déplacées ne sont que la face cachée du problème qui est celui des réfugiés. Tel est l'avis de Denis ALLAND qui trouve que «[l] e régime international des réfugiés issu des années cinquante est un système réactif, (…). Tout commence et tout cesse suivant que l'on se trouve hors ou dans le giron de l'État d'origine » [13]. D'autres sont plutôt sceptiques à la reconnaissance d'une protection spécifique pour les personnes déplacées [14] . Pourtant, peut l’on légitimement se demander si le phénomène grandissant des déplacements internes ne se produira pas la-non-moins que l’aide que l’on connaît ces réfugiés à trouver au-delà de leurs frontières internationales [15] . Dans «La pertinence de la protection des réfugiés au XXI ème siècle» , Gilbert JAEGER a distingué la protection réactive de la protection proactive [16] . Pour lui depuis l'avènement de la protection contemporaine au 20 ème, le système international de protection était réactif, en ce qu'à cette période encore, on ne protège le réfugié qu'après que celui-ci l'est devenu, généralement en quittant le pays où il (elle) craint la persécution. Selon le HCR, «(…) on ne tenait guère de prévenir de tels mouvements (de réfugiés) en s'attaquant aux causes du déplacement dans le pays d'origine (…) Le concept de solution présupposait l'existence de populations exilées. La préoccupation première était de résoudre les problèmes des réfugiés, et non le problème des réfugiés » [17] .Cette protection est différente de la protection proactive qui s'exerce dans le pays où l'on craint la persécution et avant que le futur réfugié éventuel ne le quitte. Cette nouvelle conception (la protection proactive) de la protection internationale a été également développée par Sadaka OGATA, alors Haut-commissaire [18] . Dans sa thèse de doctorat soutenu en 2010, M. Daltio opère une distinction entre les déplacés «visibles» et les déplacés «invisibles» [19]. Les déplacés visibles sont ceux qui relèvent des statistiques du gouvernement. Ces déplacés sont les plus médiatisés et bénéficient de l'aide et l'assistance de l'État. Quant aux déplacés «invisibles», celles qui ne veulent pas être repérées ou celles qui choisissent l'accueil dans les familles ou le rassemblement en petits groupes mobiles plutôt que les grands sites; ces déplacés échappent aux radars du droit international et donc ne pas bénéficier, comme c'est le cas pour les premiers de l'assistance de l'État et des organisations humanitaires. Nous pouvons en dire autant des déplacés maliens au sujet des quels, Pénélope Muteteli, responsable UNHCR de la coordination des actions des humanitaires à destination des déplacés internes, reconnaissent que leur dispersion complique le travail des humanitaires [20].

Une des théories explicatives de la migration internationale et du déplacement forcé concerne les  théories « macro» . CÉS l'accent mettent les théories sur les conditions de ses objectifs de ET Qui des factors agissent de Comme répulsion ( facteurs push ) et d'attraction ( facteurs d'attraction ) pour les migrants [21] . Cette approche doit être élargie pour une efficacité dans le cadre de la protection des personnes déplacées. Cette idée est aussi soutenue par Francis Deng pour qui:«Des points essentiels à considérer pour saisir le phénomène du déplacement est que la plupart des personnes déplacées vivent dans des pays en développement et sont originaires de pays en développement ayant de graves difficultés d'édification nationale (…)». [22] Cela pose clairement la nécessité de repenser le système actuel de protection des personnes déplacées en s'attaquant aux causes profondes et immédiates qui sont à la base des déplacements forcés.

Au regard de toutes ces considérations en lien avec notre objet d'étude, il convient de poser les questions suivantes: quels sont les mécanismes de protection des personnes déplacées au Mali? Les règles protégées les personnes déplacées sont-elles efficaces?

Cette recherche part des hypothèses suivantes:   

  • Malgré l'existence de nombreuses règles visant à protéger les personnes déplacées au Mali, cette protection reste insuffisante.
  • Les règles juridiques actuelles ne permettent pas d'assurer une protection efficace des personnes déplacées.
  • Pour une meilleure protection des personnes déplacées, il est impératif d'impliquer tous les acteurs au processus de protection. De même, il n'y'aurait pas de solutions durables tant que l'on ne s'attaquerait pas de façon appropriée aux racines du mal, c'est-à-dire les causes profondes qui sont à la base du déplacement.
  1. Matériel et Méthodes:

Cette recherche a été essentiellement basée sur l'analyse documentaire. Ainsi différents types de documents en rapport avec l'objet d'étude ont été examinés. Ils sont entre autres des ouvrages généraux, des ouvrages spécifiques, des articles de revues ou de presse, des thèses… Nous avons procédé à l'approche exégétique pour analyser les règles juridiques nationales et internationales en rapport avec notre objet d'étude. Internet est aussi une source d'information privilégiée. Par le biais de l'internet, nous avons pu obtenir des informations récentes sur notre sujet d'étude. L'internet nous a également permis d'avoir accès à des données secondaires. Il s'agit entre autres des rapports d'études des Organismes humanitaires nationaux et internationaux, des ONG,…

Par données secondaires il faut entender ici '' Les éléments informatifs pour des fins autres que celles-ci pour rassembler les données ont été diffusées '' [23] . Pour éviter le piège des données secondaires [24] , ces données ont été soumises à l'analyse secondaire qui, quoiqu'elle dégage le chercheur de la responsabilité de la collecte des données, ne dispense nullement celui-ci de celle de l'assurance de leur validité et de leur fiabilité [25] .  

  1. Résultats
    1. Présentation du contexte de l'étude

Pays vaste avec une superficie de 1241 238 km² situé au cœur de l'Afrique de l'Ouest, de 1991 jusqu'au début de 2012 encore, le Mali était considéré comme un pays particulièrement stable. Avant la crise de 2012, de grandes réformes institutionnelles étaient en cours [26]. Historiquement, les principaux groupes ethniques du Mali ont vécu en harmonie relative et ont développé des consensus sociaux à même de régler les conflits. Certains groupes du Nord, dont particulièrement les Touareg, sont souvent sentis marginalisés par le pouvoir central. Depuis l'indépendance du pays, en 1960, une partie de ceux-ci ont conduit des révoltes armées (1963, 1990, 2006) visant l'indépendance de leur région qu'ils appellent «l'Azawad». À plusieurs reprises, particulièrement entre 1991 et 1994, les populations touaregs ont été victimes de représailles et d'exactions, perpétrées par des membres des forces de l'ordre et des milices pro-gouvernementales qui présentent jusqu'à présent impunis [27]. Depuis le début des années 2000, l'instabilité au Nord du Mali a été accentuée par l'installation progressive sur ce vaste territoire constitué principalement de l'islamistes d'obédience salafiste en provenance principalement de l'Algérie, connus sous le nom d'Al- Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Plus récemment, la chute du régime en place en Libye a précipité le retour de soldats touareg d'origine malienne lourdement armés après le pillage des stocks de l'armée libyenne [28]. Par ailleurs, l'inégalité dans le processus de développement, les disparités de richesses entre le Nord et le Sud ainsi que la gestion discutable des crises précédentes ont marqué à l'émergence de la crise. Au Sud, la lenteur qui caractérise les efforts visant à réduire la pauvreté et éradiquer la corruption au sein de l'appareil étatique est à l'origine d'une insatisfaction liée à une grande partie de la population envers le pouvoir en place. Ce climat délétère a conduit le pays vers une crise multiforme qui pousse de nombreux individus sur les routes de l'exil.

  1. Les déplacements de personnes au Mali

Le Mali est une vieille terre de migration (Keita, 2011) [29] . Ce phénomène s'explique d'une part par sa position géographique, mais aussi par des facteurs d'ordre historique, socio culturel, économique (Diombana, 2009). Si plusieurs déplacements internes ont eu lieu au Mali de façon intermittente pendant les périodes de grandes sécheresse et les conflits politiques, notamment les rébellions Touaregs antérieures [30] , c'est en 2012 avec le conflit armé au nord du pays que le phénomène de déplacement forcé s'est exacerbé. Le 17 janvier 2012, le MNLA [31], renforcé par des combattants de retour de Libye, a lancé une offensive contre l'armée malienne pour obtenir l'indépendance du nord. À la mi-mars 2012, environ 93 400 civils étaient déplacés à l'intérieur des frontières du Mali et environ 99 000 autres trouvaient refuge dans les pays voisins, principalement en Algérie, au Burkina Faso, en Mauritanie et au Niger, fuyant les affrontements entre les forces gouvernementales et les combattants touaregs ainsi que les représailles de l'armée malienne [32] . Profitant du vide politique laissé par le coup d'État [33] à Bamako, les rebelles touaregs se sont emparés des villes de Kidal, Gao et Tombouctou en seulement trois jours, entre le 30 mars et le 1 eravril 2012, obligeant l'armée malienne à battre retraite. Le MNLA était soutenu par un groupe islamiste lourdement armé, Ansar Dine, une milice aux liens supposés avec Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Des membres du groupe islamiste nigérian Boko Haram ont également été vus à Gao aux côtés de combattants du MNLA. À la suite de la proclamation de l'indépendance de l'Azawad, le 06 avril par le MNLA, l'imposition de la charia par Ansar Dine qui avait pris le contrôle de plusieurs villes du nord, a provoqué le déplacement de 107000 personnes à titre préventif [34]. Les violations des droits de l'homme perpétrées dans le nord du pays sous le joug des islamistes, ont conduit de nombreux parents à fuir pour assurer une éducation à leurs enfants et par crainte pour la sécurité de leurs filles. D'autres déplacements ont été provoqués par les affrontements qui ont été retenus en juin 2012 les rebelles du MNLA aux combattants du Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), une émanation d'AQMI. En juillet, le nombre de déplacés avait atteint 174 000 [35] . Selon l'ONG save the children, les enfants déplacés et réfugiés étaient au nombre de 203 500 [36]. La progression des islamistes a incité Bamako à demander l'aide des Nations Unies et de la France. Cette dernière a lancé une offensive militaire baptisée «Opération Serval», et la résolution 2085 adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU en décembre 2012 a permis le déploiement rapide de la Mission Internationale de Soutien au Mali sous Conduite Africaine (MISMA) aux côtés de l'armée malienne en vue de la reconquête du nord. De violents combats ont éclaté à la mi-janvier 2013 dans plusieurs villes du centre et du nord du Mali, incitant les populations à chercher refuge au sud ou à se disperser dans le désert, notamment près de la frontière algérienne, qui a immédiatement été fermée par les autorités. Le nombre de PDIs, estimé à 198 500 avant le début des combats, était passé à 227 206 dans l'espace d'un mois [37].

  1. Accueil et hébergement des personnes déplacées internes

Contrairement aux réfugiés qui vivent dans des camps d'accueil, les personnes déplacées sont dispersées pour la plupart d'entre elles dans des familles d'accueil. Ce phénomène tient à la sociologie malienne quasiment mis sur la solidarité et l'entraide entre les différentes couches socio-culturelles et ethniques. Sur toute l'étendue du territoire il n'existe qu'un seul «camp de personnes déplacées internes» exigent [38] , c'est le Camp de l'hôtel des chauffeurs size à Sévaré à Mopti au centre du pays, héberge 500 personnes [39]. Cette situation entraine une dispersion des personnes déplacées dans les différentes régions du Mali. Ce qui rend difficile leur suivi et leurs prises en charge. De plus, l'insécurité généralisée, le manque de stabilité et les conditions géographiques ont limité l'accès et la marge de manœuvre de l'aide humanitaire aux populations affectées dans le nord [40]. Au Mali, l'accès aux personnes déplacées est rendu encore plus difficile par le caractère aléatoire des conditions de sécurité. Depuis les événements de mai 2014 survenus à Kidal et dans certaines localités de Gao et Tombouctou, l'accès humanitaire s'est vu gravement occupé. Ainsi dans ces régions, des zones restent encore inaccessibles et sous le contrôle des groupes armés. De manière générale, plusieurs acteurs humanitaires ont constaté qu'une proportion importante de déplacés internes qui se sont installés dans les villes du sud (Bamako, Mopti, Ségou) présentent aux catégories des petits commerçants, des artisans, des salariés divers ainsi que des fonctionnaires [41]. Un premier constat est alors axé sur le rôle primordial que jouent les familles hôtes à l'arrivée de familles déplacées (qui sont souvent nombreuses) en matière d'accueil et d'assistance. En plus de l'hospitalité, on observe que le partage des denrées alimentaires est la forme d'aide la plus courante qui est fournie par les familles d'accueil - suivi de près de la prise en charge des dépenses médicales et des frais scolaires. Par exemple, il y eu une augmentation de 2000 XOF en moyenne (environ 4 USD) par jour en matière de dépenses en denrées alimentaires depuis l'arrivée des familles déplacées pour chaque famille hôte enquêtés sur Bamako [42]. Ces différents changements poussent également les familles d'accueil à adopter des stratégies d'adaptation négatives très similaires à celles des familles déplacées: endettement / emprunt, déscolarisation des enfants, diminution des rations alimentaires, vente de biens familiaux, réduction du nombre de repas, etc. Les familles déplacées survivent à Bamako principalement grâce à l'accueil et les autres signes de solidarités des familles hôtes mais aussi grâce aux transferts d'argent réalisés par leurs familles ou leurs proches. Un deuxième constat qui caractérise les familles déplacées en zones urbaines est lié à leur mobilité en matière de logement à Bamako. On constate que non seulement les tailles de ménage de ces familles fluctuent mais qu'il y a de plus en plus de familles déplacées qui déménagent ou qui tentent de s'installer en location. À l'heure actuelle, il est difficile de quantifier ou d'avoir une idée précise du nombre de familles déplacées concernées par ce phénomène. Cette mobilité en matière de logement engendre certains impacts négatifs, cela rend plus difficile la réinsertion économique, une scolarisation suivie ainsi qu'une intégration communautaire[43] .

  1. Normes parents à la protection des déplacées internes

Les textes relatifs à la protection des personnes déplacées au Mali sont très limités. C'est sur le plan international qu'il faut voir de véritables efforts dans la protection et l'assistance aux personnes déplacées. 

  1. Les règles nationales

L'analyse des normes en vigueur au Mali démontre la nécessité d'accomplir des progrès significatifs en matière de protection des personnes déplacées. Les principaux textes juridiques en matière de protection des personnes déplacées sont les suivants: 

  • La constitution malienne du 25 février 1992

Si la constitution malienne n'évoque pas directement les personnes déplacées, il n'en demeure pas moins que celle-ci garantit un ensemble de droits fondamentaux de l'homme dont toute personne devrait bénéficier. Par exemple l'article 2 de la Constitution du Mali de 1992 affirme que: «[t] ous les Maliens naissent et restent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l'origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l'opinion politique est prohibée. »Les dispositions du Titre I de la Constitution énumèrent les droits et devoirs des individus. Certaines de ces dispositions comme celles relatives aux droits à «l'éducation, l'instruction, la formation, le travail, le logement, les loisirs, la santé, et la protection sociale» (article 17), se réfèrent au principe de non-discrimination, ou utilisez une formulation d'application générale en ce sens. De même, l'article 27 de la Constitution (Titre II) confère à «tous les citoyens en âge de voter, jouissant de leurs droits civiques et politiques» le droit de vote au suffrage «universel, égal et secret».

  • Stratégie nationale de gestion des personnes déplacées internes et des rapatriés

Adoptée en mai 2015, la Stratégie a pour objectif de contribuer à la stabilisation post-conflit par le biais de la réinsertion socioéconomique des populations affectées par le conflit, afin de créer un environnement favorable au développement durable du pays. Il faut reconnaitre que ce document a un caractère plutôt politique et sa mise en œuvre reste donc soumise à la volonté politique. Ce document ne constitue pas en soi une véritable règle en faveur des personnes déplacées et ne se limite ainsi qu'à fixer des objectifs. Bien que ce document ne contienne pas de définition générale des personnes déplacées, il fait référence aux personnes déplacées comme étant les membres «du mouvement massif de populations des régions du nord] à l'intérieur du pays» [44] .

  • Décision n ° 2016 0109 MSAHRN-SG, 28 avril 2016

Le gouvernement du Mali a ratifié la convention de l'Union Africaine pour la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique. Cependant la dimension législative pour la transposition de cette convention en droit interne n'est pas encore effective. C'est ainsi qu'en avril 2016, le ministère de la solidarité et de l'action humanitaire a créé au Mali le comité chargé de préparer les activités relatives à l'intégration de la dite convention dans la législation nationale.

  • Orientations et priorités du gouvernement pour la période 2013-2018

Le Programme d'Actions du Gouvernement (PAG), pour la période 2013-2018, est développé sur la base des hautes orientations du Président de la République. Il se propose de prendre en charge les priorités du Président de la République à travers la restauration de l'intégrité du territoire et la sécurisation des biens et des personnes, la réconciliation des maliens et la consolidation de la cohésion sociale, la refondation des institutions publiques et l'approfondissement de la démocratie, la promotion des femmes et des jeunes et la construction d'une économie émergente. Il énonce les directives et les priorités du gouvernement malien pour la période 2013-2018 qui est connue par la crise institutionnelle et le conflit armé de 2012 dans le Nord du Mali. Le PAG est fondé sur six axes [45] majeurs et devraient impliquer l'ensemble des ministères.

  1. Les règles internationales et régionales

Plusieurs normes concourent à la protection des personnes déplacées. Nous nous intéressons ici aux principes directeurs relatifs à la protection des personnes déplacées à l'intérieur de leurs propres pays et à la Convention de Kampala relative à la protection des personnes déplacées en Afrique.

  • Les principes directeurs

 Les Principes directeurs ont été établis en 1998 par M. DENG, Représentant du secrétaire général en charge des personnes déplacées internes. Même s'ils n'ont pas une valeur juridique contraignante au même titre qu'un traité, les principes directeurs sont une compilation des normes du droit international des droits de l'homme, du droit international humanitaire et du droit international des réfugiés qui s 'applique par analogie. Plusieurs résolutions des Nations Unies font référence à ces principes. Les principes directeurs adoptent une définition des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays [46]. Ils sont au nombre de trente et s'articulent en cinq parties. Rédigés par Francis M. Deng et un groupe d'experts juridiques internationaux, les principes directeurs traitent toutes les phases de la protection, entre autres de la protection avant le déplacement jusqu'à la fin du déplacement et le retour volontaire des personnes déplacées [47 ] .

  • La Convention africaine sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées (Convention de Kampala).

La Convention de Kampala a été adoptée par l'Union Africaine lors de sa Session du 22 au 23 Octobre tenue à Kampala en Ouganda. Contrairement aux principes directeurs qui n’ont aucune valeur juridique contraignante, la Convention de Kampala établit un cadre juridique contraignant pour l’élaboration des réponses globales aux déplacements internes. Elle définit les personnes déplacées [48] . Les objectifs de la Convention de Kampala sont à la fois de mettre en place un cadre juridique approprié pour apporter une protection et une assistance aux personnes déplacées internes en Afrique, mais aussi et surtout, de «promouvoir et renforcer les mesures nationales destinées à prévenir ou à atténuer, interdire et éliminer les causes premières du déplacement interne » [49].


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